Dès le début de l’année 2011, l’Addnb propose aux bibliothèques adhérentes un prêt gratuit de liseuses avec un protocole d’expérimentation complet. Depuis, nombre d’organismes professionnels ont imité l’association. Tant mieux, nous avons toujours dit que cette phase de découverte et de tests était inséparable d’une pratique professionnelle. Les demandes affluent : à la rentrée, un jeu supplémentaire de dix liseuses (PocketBook Touch) sera mis en service. Plus de 20 demandes à honorer encore : double preuve s’il en était besoin, que demeure un fort intérêt pour la lecture numérique et que les associations y ont un rôle à tenir.
Mais comment expliquer ce phénomène ?
En nous lançant dans ce dispositif, nous avons tous affiné nos réflexions sur le livre numérique. Et sur la lecture numérique. Les questionnaires - partie prenante du protocole - font remonter un intérêt réel pour le livre numérique. Curiosité ? Oui mais aussi découverte de la lecture en mobilité (dans le temps / dans l’espace) avec de bonnes conditions de confort (lisibilité, accessibilité, légèreté du support etc...) De là à passer à un service intégré, il y a un pas ... que certaines bibliothèques franchissent, en effet. Et d’autres non.
Dans les discussions post-expérimentation, qu’entend’on ?
— D’abord que la bibliothèque peut jouer ce rôle d’acculturation à la lecture numérique, même si ce travail apparaît comme assez temporaire. Du coup, la liseuse est plébiscitée comme l’outil le plus facile à mettre entre les mains des lecteurs ;
— Mais aussi que les conditions du développement d’une offre envers les bibliothèques ne sont pas réunies aujourd’hui. Des catalogues restent fermés aux bibliothèques, le déchargement de livres numériques sur des liseuses n’est pas entendu comme une pratique professionnelle de plein droit, l’usage des DRM pour arriver à ses fins reste un pis-aller.
— Les autres supports émergents de lecture de livres numériques sont-ils concurrents ? Oui et non. Oui dans l’usage privé (et tant mieux pour cette diversité d’accès). Non pas vraiment dans la bibliothèque, car il reste difficile de prêter une tablette, et quasi impossible un smartphone. Le passage par l’ordinateur permet une lecture souvent amplifiée (liens/ multimédia) et relativement simple à mettre en œuvre de la part d’un novice.
— le modèle "Liseuse" induit-il une préférence pour le téléchargement ? Non, pas obligatoirement. Streaming et lecture dans le cache des navigateurs sont possibles aujourd’hui. Les systèmes d’identification permettent d’assurer un accès sécurisé.
— Mais qui attend qui ? Souvent , cette réflexion revient : est-ce aux bibliothèques de proposer un mode d’accès aux livres numériques ? Ou aux éditeurs de le proposer ? Via des prestataires ? Ou bien aller vers des licences légales / globales ? On se rend compte que le livre numérique est aussi une ressource numérique, au sens où l’entend une bibliothèque : elle se gère comme telle avec des paramètres, des conditions techniques et technologiques, un coût, une valorisation, une médiation, un apprentissage...
Sans entrer ici dans le débat de la rémunération de l’accès, force est de constater que le livre numérique balbutie beaucoup. Les bibliothèques engagées dans des expérimentations engrangent des observations utiles pour l’avenir immédiat : comment "acculturer", que contiennent ces collections de livres numériques, quelle place (médiation, collections) donner au livre numérique, comment travailler avec libraires et éditeurs, et surtout, partager avec les lecteurs la découverte des livres numériques, qu’ils soient sous droits, sous licences libres, du domaine public ou de création.